ORIENT-CHRETIEN
Prière de St Jean de Damas
St Jean de Damas et l'Islam
Controverse entre un musulman et un chrétien
Les saints du Proche Orient
LES SAINTS DU 
PROCHE ORIENT
Polycarpe (70-157)
Anicet (90-167)
Justin de Naplouse (103-165)
Pamphile (250-307)
Frumence (315-380)
Thaïs (375-405)
Zosime (470-557)
Jean de Damas (675-749)
Saint Jean de Damas
docteur de l'église catholique
Au VIIe siècle, sous l'influence croissante de l'Islam, un empereur de Constantinople, Léon III l'Isaurien, ordonnait par un édit d'ôter des églises et des lieux publics les tableaux et statues sacrés qui y étaient exposés à la vénération des fidèles; cet arrêt devait être sanctionné par des violences inouïes. De la persécution des iconoclastes ou briseurs d'images, on retrouvera plus tard l'esprit chez les Albigeois, les Vaudois, les Hussites et les Protestants. A travers les siècles et jusqu'à nos jours, dans l'esprit des chrétiens et surtout en Orient, la tyrannie hérétique de Léon l'Isaurien évoque principalement le nom de saint Jean Damascène qui fut avec saint Germain de Constantinople et Georges de Chypre, à la tête des défenseurs des saintes icônes. Toutefois, c'est restreindre sa gloire légitime que de ne voir que cela en lui. Il est plus justement apprécié par l’Église orientale, qui le regarde comme le meilleur de ses théologiens.
Saint Jean est né à Damas vers l'année 675 d'une famille chrétienne d'origine arabe probablement de la tribut des Ghassanides, son grand-père était un chef arabe qui s'appelait Al Mansour. En effet l'empire Byzantin utilisait les tribus arabes dans son propre système de défense face à la Perse. En 630, avec l'aide des tributs arabes, l'empereur Byzantin Héraclius avait pu chasser les Perses du Proche-Orient et ramené la Croix à Jérusalem. Les Byzantins, que les arabes appellent les "Roums" c'est à dire Romains utilisaient les tribus arabes pour défendre les frontières sud de leur Empire. Mais en 636, lors de l'invasion musulmane du Proche-Orient, la cavalerie des ghassanides refusa de combattre leurs frères arabes et après des négociations entre tributs, les ghassanides se sont joint à l'armée Arabe pour battre à Yarmouk, l'armée Byzantine qui n'était plus que l'ombre d'elle même. D'ailleurs Damas, malgré les légendes qui se sont développés dans le monde musulman, n'a pas été conquise militairement, bien au contraire, ce sont les arabes chrétiens qui, pour se débarasser des Byzantins, ont aidé l'armée musulmane aà prendre la ville. Un accord entre la majeure partie des habitants, qui étaient des Chrétiens Arabes, et Abû `Ubaydah fut signé.
Le père de Saint Jean qui s'appelait Serge, était un chrétien fervent et occupait un poste important auprès du nouveau Calife Mouawiya. Le nouveau calife refusa de résider à Médine et transféra en 660, le siège du Califat à Damas. Serge dépensait en œuvres de charité ses revenus, et surtout il profita de sa situation pour racheter les captifs chrétiens. Et parmi ces derniers, se trouvait un religieux venu de Sicile, futur évêque et hymnographe orthodoxe, nommé Cosmas de Maïouma, ou Cosmas de Jérusalem, très versé dans la philosophie, et parlant plusieurs langues. Or, précisément, Serge Mansour cherchait depuis longtemps un homme capable de donner à son fils une éducation convenable. La Providence le comblait en lui faisant trouver un trésor d'érudition et de piété dans ce captif qu'on allait égorger. Il courut le demander au calife qui n'y fit aucune objection. Cosme reçut la liberté, et devint l'ami du père et le maître du fils, qui, sous sa direction apprit avec un succès prodigieux les linéaments de la belle méthode aristotélicienne qui sera si en faveur au moyen âge. C'est dans cette environnement que grandit Saint Jean.
Quand l'éducation de Jean fut achevée, le moine dit à Serge: Vos vœux sont accomplis, la sagesse de votre enfant surpasse la mienne: Dieu complétera l'œuvre. Je vous prie de me laisser me retirer au désert, afin de vaquer à la céleste contemplation. Serge fit la plus grande résistance, mais il dut céder aux vœux ardents du saint moine, qui se retira en Palestine, dans la laure de Saint-Sabas.
 
L’orient chrétien devait être agité pendant plus d'un siècle (725-840) par l'hérésie iconoclaste, et particulièrement sous le règne de l'empereur Léon III l'Isaurien. Ce rustre couronné, ancien marchand de bestiaux, puis heureux soldat, était monté sur le trône de Constantinople en l'an 716. Arrivé au pouvoir au milieu d'une véritable anarchie, il venait de se révéler comme un homme d’État de premier ordre, et il peut être regardé comme le réorganisateur de l'Empire byzantin. Mais en proscrivant le culte des images, à quel mobile obéissait-il? Avait-il gardé quelque sympathie, manifestée dans sa jeunesse, pour cette terrible secte des pauliciens, issue du manichéisme, qui avait mis à feu et à sang l'Asie Mineure, incendiant les églises d'Arménie et de Syrie, et détruisant partout les saintes icônes? Plus vraisemblablement, il avait l'ambition, sorte d'empereur-sacristain, d'étendre au sanctuaire les réformes qu'il était fier d'avoir réalisées dans l'ordre social et militaire: à coup sûr, il ne prévoyait pas que ces querelles iconoclastes allaient séparer Constantinople de Rome, et rapprocher Rome de Charlemagne, l'empereur d'Occident. Avant d'arriver aux mesures de violence, Léon III l'Isaurien avait procédé peu à peu à l'«épuration» de l'épiscopat oriental; il devait, après la persécution, qui commença à l'automne de 725, mettre en demeure saint Germain, patriarche de Constantinople, d'adhérer à l'hérésie ou de se retirer.
En terre musulmane, les Églises melkites n'avaient rien à craindre de l'empereur chrétien; elles restèrent fidèles au culte des saintes images, grâce à Georges de Chypre et à Jean de Damas.
 
Des témoins racontent: Jean parle avec éloquence du culte qui est rendu aux Saints dans l’Église catholique. Le culte qui s'adresse à une créature est motivé par une relation, un rapport de cette créature avec Dieu. Ce principe général s'applique à la fois au culte des Saints et de leurs reliques, et au culte des Images en général. Nous vénérons les Saints à cause de Dieu, parce qu'ils sont ses serviteurs, ses enfants et ses héritiers, des «dieux» par participation, les amis du Christ, les temples vivants du Saint-Esprit. Cet honneur rejaillit sur Dieu lui-même, qui se considère comme honoré dans ses fidèles serviteurs, et nous comble de ses bienfaits. Les Saints sont, en effet, les patrons du genre humain. Il faut bien se garder de les mettre au nombre des morts. Ils sont toujours vivants, et leurs corps mêmes, leurs reliques méritent aussi notre culte.
En dehors des corps des Saints, méritent aussi notre culte, mais culte relatif, qui remonte à Jésus-Christ ou à ses Saints, toutes les autres reliques et choses saintes, qu'il s'agisse de la vraie croix et des autres instruments de la Passion ou des objets et lieux consacrés par la présence ou le contact de Jésus-Christ, de la Sainte Vierge ou des Saints. Ces mêmes principes trouvent leur application toute logique dans le culte rendu aux saintes images. Ce culte «présente pour les fidèles de multiples avantages: l'image est d'abord le livre des ignorants; c'est une exhortation muette à imiter les exemples des Saints; c'est enfin un canal des bienfaits divins.»
Quand l'empereur byzantin voit se dresser en face de lui Jean Damascène, un adversaire redoutable à la cour même des califes, c'est-à-dire hors de sa portée il décide de se venger d'une manière hypocrite et cruelle: il fait remettre au calife une lettre écrite par un faussaire, signée du nom de Jean Serge Mansour et invitant l'empereur de Byzance à s'emparer de Damas. On conçoit la colère du calife devant cette pièce à conviction, qui est pour lui la preuve d'une trahison. Aussitôt, il fait mander saint Jean et lui fait trancher la main droite. Le martyr supporte courageusement ce supplice, rentre dans son oratoire privé; il se met en prière devant une image de la Très Sainte Vierge, suppliant la Mère de Dieu de lui rendre l'usage de sa main pour lui permettre de reprendre la plume. Alors il s'endort; la Vierge de l’icône abaisse sur son chevaleresque défenseur un regard maternel et lui rend l'usage de sa main, autour de laquelle un mince liseré rouge persistera pour attester le prodige.
 
Dès lors, l'heureux miraculé renonce au monde et va s'enfermer dans la solitude de Saint-Sabas, où il continuera d'écrire à la louange de Marie.
 
Une autre tradition, s'ajoute à la précédente: sur l’icône miraculeuse, Jean avait suspendu en ex-vota une main d'argent, de même qu'en certains sanctuaires on a offert et peut-être offre-t-on encore des figurines de représentant têtes, mains ou jambes, correspondant à des parties du corps pour lesquelles les fidèles ont obtenu la guérison. L’icône avec son ex-voto fut conservée comme une relique précieuse sous le nom de «Vierge Damascène» ou de « Vierge à trois mains». Quelle que soit son origine, cette image a une histoire que raconte ainsi le P. Joseph Goudard :
Au XIIIe siècle, elle fut remise par le supérieur de la laure à saint Sabas métropolite de Serbie et grand serviteur de Notre-Dame, dans un de ses deux pèlerinages en Terre Sainte. De retour dans son pays, le prélat en fit don à son frère, Étienne, roi de Serbie, de la dynastie des Némanya, lui recommandant de la garder et de l'honorer d'un culte spécial comme un très précieux trésor de famille. Plus tard, après l'extinction des Nérnanyn, l’icône fut transférée au Mont Athos, la montagne de Marie, et déposée au monastère de Kilandar. Cette «Vierge Damascène » a eu une très grande célébrité en Orient. Les peintres la prirent pour modèle, et telle est l'origine de ces curieuses peintures où la Sainte Vierge est représentée avec trois mains. Les Serbes allèrent plus loin; ce titre de «Vierge à triple main», ils en ont fait le vocable de plusieurs de leurs églises cathédrales réputées «thaumaturges » encore aujourd'hui, telles Notre-Dame d'Uskub, Notre Dame de Skoplie , etc.
 
Jean Damascène fut à la fois philosophe, théologien, orateur ascétique, historien, exégète, poète même. Le principal de ses écrits dogmatiques est la Source de la connaissance. Il comprend trois grandes divisions. La première, appelée Dialectique, met sous les yeux du lecteur ce qu'il y a de meilleur dans la philosophie grecque; la deuxième, tout historique, est un clair résumé des hérésies apparues dans l’Église jusqu'à celle des iconoclastes: l'auteur y expose et réfute tout au long le mahométisme. La troisième partie comprend son grand ouvrage bien connu: Exposition de la foi orthodoxe. Il y parle de Dieu, de ses œuvres, de ses attributs, de sa Providence, de l'Incarnation, des Sacrements; sur chaque vérité il résume l’Écriture et la Tradition.
 
Il est vraisemblable que ce dernier écrit fut composé au monastère de Saint-Sabas. Le texte nous en a été conservé dans une traduction arabe. Cet ouvrage est d'une grande importance pour l'histoire de la théologie; malgré ses lacunes, il est le fidèle écho des enseignements des Pères de l'Eglise qui ont précédé son auteur, et on a dit qu'il représente la première Somme théologique digne de ce nom. Le mystère de l'Incarnation est celui sur lequel Jean Damascène s'étend le plus longuement; sa théologie mariale, soit dans ce traité soit en d'autres ouvrages, est irréprochable: ici encore, interprète de renseignement des autres théologiens byzantins. il expose d'une manière admirable les vues les plus orthodoxes sur l’Immaculée Conception (bien avant Lourdes) et la virginité perpétuelle de Marie, son rôle de corédemptrice du genre humain par sa libre coopération au plan divin; son Assomption, sa royauté sur les créatures, sa médiation universelle et sa maternité de grâce.
 
L’exposition de la foi orthodoxe fut mise à contribution souvent d'une façon inavouée par les théologiens byzantins; elle fut traduite en paléoslave, vers la fin du IXe siècle, par les soins de Jean, exarque de Bulgarie; en Russie, elle a été imprimée plusieurs fois. Les Byzantins ont surnommé Jean Damascène Chrysorrhoas (qui roule de l'or), et ce nom dit assez toute l'admiration que la postérité a vouée à sa personne et à ses travaux. Nul n'est prophète dans son pays. Les étrangers ont reconnu la grandeur de Saint Jean de Damas mais les arabes, ses propres fères, l'ont rejeté.
 
Saint Jean Damascène est considéré comme l'auteur d'un grand nombre de chants, savants et populaires, dont on voit quelques-uns cités dans les anthologies de musique religieuse, anciennes et modernes. En tels d'entre eux la Très Sainte Vierge est chantée d'une manière heureuse; il a composé aussi des tropaires dans lesquels il demande pour les défunts le repos éternel, ce qui est très important pour l'histoire de la croyance au purgatoire. On a même voulu faire du moine de Saint-Sabas l'organisateur du chant liturgique grec, l'inventeur de la notation musicale qui porte son nom, l'auteur de l'Octoekos, livre liturgique d'un charme et d'une fraîcheur antiques, qui sous huit tons musicaux contient des tropaires et des canons sur la Résurrection, la Croix, la Vierge.
Le Père Pargoire déclare toutefois que s'il a jeté les bases du célèbre recueil, «Jean le Moine » ne l'a certainement pas bâti seul, ni tout d'une pièce, car d'autres, même au IXe siècle, apporteront leur pierre à cet édifice. D'autre part, un historien de la musique byzantine, le P. Joannès Thibaut, affirme que « le Canon musical prouve que Jean Damascène connaissait son art à la perfection, et qu'il était, suivant L’expression consacrée, un musicien dans l'âme. »
 
Pour mémoire encore, enregistrons une autre tradition touchante: la Vierge Marie «venant doucement gourmander l'archimandrite de la laure, homme austère qui saisissait difficilement la portée aposto­lique des livres et surtout de la poésie.
- Pourquoi, lui dit Notre-Dame, pourquoi empêches-tu cette source de donner ses eaux limpides, lesquelles, en coulant sur le monde, emporteront les hérésies?»
 
Comme ou peut le voir, la trame de la vie de Jean Damascène est aussi ténue que possible, au moins dans la mesure où nous la con­naissons. On pourrait même se demander pourquoi l’Église le vénère comme Saint. Comme s'il répondait précisément à cette question, le P. Jugie remarque judicieusement:
Sa sainteté, on la voit transparaître dans ses œuvres. Le ton d'humilité sincère avec lequel il parle de lui-même en plusieurs endroits de ses écrits, allant jusqu'à se traiter d'homme ignorant, son amour pour Jésus-Christ, sa tendre dévotion à Marie, son dévouement pour l’Église qui lui a fait composer tous ses ouvrages, tout cela nous montre que le docteur de Damas appartient à la race des grands Saints qui ont illustré l’Église à la fois par leur science et par leur vertu.
 
Selon la tradition Saint Jean Damascène est mort le 4 décembre 749. Un concile des briseurs d'images réuni, le 10 février 753, au palais impérial de Hiéria, près de Chalcédoine, avec le bienveillant appui de l'empereur byzantin Constantin Copronyme, enregistrait avec une joie apparente la mort des trois défenseurs des saintes images, saint Germain, Georges de Chypre et saint Jean Damascène, par une formule demeurée célèbre: La Trinité a fait disparaître les trois. Reprenant cette phrase et la rectifiant d'une manière heureuse, le VIle Concile œcuménique, réuni à Nicée en 787 et qui condamna l'hérésie des iconoclastes, déclara: «La Trinité a glorifié les trois»: la sixième session de ce même Concile entendit l'éloge de saint Jean Damascène; la septième proclama sa «mémoire éternelle».
Le corps de saint Jean Damascène fut conservé pendant au moins quatre siècles dans la laure de Saint-Sabas; plus tard, il fut trans­porté à Constantinople. Certains Martyrologes latins semblent faire allusion à cette translation en inscrivant au 6 mai la mention suivante: «A Constantinople, déposition de Jean Damascène, de sainte mémoire, docteur insigne. »
 
Le couvent de Saint-Sabas conserve deux tableaux qui repré­sentent le Saint. Sur le premier, on voit un vieillard à cheveux blancs, la figure rayonnante de beauté et de majesté, penché sur un parchemin, écrivant et chantant les louanges de Marie, telles que les a conservées la liturgie de l’Église grecque. Sur le second, qui couronne l'entrée du tombeau de saint Jean, on voit un moine étendu sur son lit funèbre; sur sa poitrine, il a les mains jointes, contre lesquelles on a déposé une petite icône de Marie portant l'Enfant Jésus; la multitude des moines entoure le corps, qui semble plutôt reposer après une dure journée de travail.
De temps immémorial on montrait dans le quartier chrétien de Soufanieh à Damas, non loin de la porte de Bab Touma, une ruine appartenant au wouakf dépendant de la grande mosquée et connu de toute la ville sous le nom de maison de saint Jean Damascène. En 1878, après de longues démarches, les Jésuites achetèrent cette ruine et la transformèrent en un sanctuaire. Si en Occident Saint Jean de Damas fait parti des Docteurs de l'Eglise, malheureusement à Damas et dans le monde arabe, rares sont ceux qui le connaissent ou qui ont jamais lu ses oeuvres.
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